On m’a demandé de vous enregistrer une bande pour parler des régions de Replicare. Je vais d’abord me présenter moi. Je m’appelle Meiko, guide du Secteur 9 et la vôtre sur cette section. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je dois vous rappeler ce qui définit les frontières de nos provinces.
Nous ne traçons pas de trait sur une carte pour délimiter les territoires provinciaux. Nos têtes pensantes ont déterminé que cela ne ferait que renforcer l’animosité entre voisins et que, tôt ou tard, des guerres d’influence allaient nous diviser. Il fallait un élément incontrôlable par notre société pour répartir les terres de façon juste, à défaut d’équitable. Les frontières sont donc déterminées par les biomes, des sortes de climats dominants.
Nous avons le dévasté pour Archan, avec sa pollution, son terrain plat et sa stérilité. Le tempéré pour Vall, avec ses collines, sa verdure et sa grande habitabilité. Le tropical pour San Antonia, avec sa jungle, ses marais et ses pluies torrentielles. Le polaire pour Qulleqipok, avec ses étendues neigeuses, ses montagnes et ses lacs gelés. L'insulaire pour Mice, avec ses îles, son humidité et les aléas que le Voile exerce sur elles. Le Voile ne possède pas de définition autre que la corruption. C’est un biome de mort.
Dahikar (province)Dahikar est la province la plus vaste du continent et se reconnaît aisément à sa végétation asséchée ou clairsemée sur de la terre de roche ou de poussière. Vous pourrez y accéder principalement par le train en provenance de Magmirac ou une des nombreuses routes avoisinant la voie ferrée. Il est même possible de s'y rendre par aéronef ou moto grâce aux quelques routes entretenues pour assurer la fluidité du trafic. Les pilotes en apprécient les longues lignes droites menant jusqu'à Tuulu, la capitale située en Apotropée. La plupart des victoriens ne connaissent d'ailleurs que les convois commerciaux et principales escales touristiques, pour la simple et bonne raison qu'il est plus facile de passer ses vacances à Dahikar que d'y vivre. Pour qui est natif de la région, à fortiori loin des zones urbanisées, l'endroit est de loin le plus rude de tout Replicare.
Même dans les régions les plus clémentes, comme Hayatasi et Satio, le soleil tape fort et il n'est pas facile de trouver des sources naturelles d'eau. La plupart des bassins sont à disposition des éleveurs nomades désirant rafraîchir leur troupeau sur la route des marchés aux bêtes. Chevaux, chèvres et camélidés sont courants et très appréciés pour leur viande, ainsi que leur lait. Il n'est pas rare de croiser des animaux plus exotiques encore que des dromadaires, comme des bêtes terriblement dangereuses à l'état sauvage et que les dahikari parviennent à dresser. Si vous croisez un lion ailé ou un cheval à tête d'aigle, il vient forcément de la faune de Dahikar, où la plupart du territoire demeure soit trop dangereux à explorer, soit impossible à vivre, avec ou sans mauvaises rencontres.
Car la terre sèche et craquelée du désert connu laisse bien vite place à des plaines de dunes en constant mouvement. Les températures y varient de plusieurs dizaines de degrés entre le jour et la nuit et bien peu de végétation y pousse. Quant à ce qui s'en nourrit, il est soit massif et habitué à défendre son cuir, soit petit et gorgé de venin. L'absence de repères distincts, la lumière éblouissante et les dangers de la faune ou des tempêtes de sable rend Dahikar très pénible à l'exploration. Toutefois, les plus chevronnés des guides ou groupes nomades sont capables d'estimer leur position uniquement en observant les variations de plantes qu'ils croisent. Mieux encore, ils savent quand il faut contourner un grand vide qui ne semble pas différent des autres plaines de silence. Plusieurs régions de Dahikar sont mortelles à tout humain ou métahumain déambulant dans une zone de mort. Personne n'en connaît les causes précises, mais beaucoup d'éclaireurs s'échinent à délimiter et à baliser les endroits à éviter à tout prix.
Les limites du Sud et de L'Est continrent de se repousser, pas à pas. Comme pour San Antonia, le Sud de Dahikar est encore gouverné par des monstres bien trop difficiles à affronter. Les aéronefs veillent à rebrousser chemin quand ils perçoivent des creux dans le sable caractéristique des scorpions géants, en particulier ceux qui peuvent projeter une solution toxique et brûlante avec leurs queues. À l'Est, peu d'animaux survivent et pour cause : le désert de sable laisse place à une terre de sel, où ni eau ni organismes ne peuvent survivre. Il est déjà très difficile d'arriver à cette partie du désert et personne n'a encore pu traverser le sel pour découvrir ce qu'il y a plus loin. Les efforts sont toutefois maintenus, car, bien qu'horriblement dangereux, Dahikar offre les points les plus éloignés du Mur, et donc du Voile qu'il contient. Certains pensent même que l'avenir des victoriens est dans cette province. Et de fait, malgré le florilège de dangers endémiques, très peu contiennent des traces de corruption du Voile. C'est d'autant plus étonnant que les archéologues soutiennent l'idée que le Voile était autrefois présent à Dahikar. Quoi qu'il se soit produit, cette zone de mort semble autant hostile au Voile qu'à ses proies.
Sur le plan culturel, le peuple dahikari est perçu comme fier, voire hautain, mais extrêmement respectueux envers quiconque gagne leur confiance. Je les qualifierais de prudents, conscients de l'importance de la hiérarchie et de veiller à ce que chacun accomplisse sa part. Cela ne les préserve pas pour autant d'être chaleureux ou amateurs de loisirs. Les marchands jouent merveilleusement le jeu de la séduction des étrangers pour les pousser à la dépense ou faire honneur à leur envie de promouvoir la beauté et la richesse de Dahikar. En effet, penser qu'il n'y a que des déserts à voir est une lourde erreur.
De nombreux villages sont habitués à l'accueil d'étrangers et vous pourrez goûter de la vraie viande et diverses semoules chez vos hôtes. Les tablettes nutritives d'Archan sont également monnaie courante et parfois utilisées en biscuits pour les thés sucrés et très chauds qui circulent partout. Comme à Jamalila, Dahikar est une bonne région pour trouver un travail facilement et sans questions sur votre passé. Pour peu que vous soyez efficace au travail, vous pourrez survivre en groupe en vous pliant aux règles des chefs de caravanes. Surtout, la mutahumanité y est officieusement tolérée, bien qu'il demeure légal de les abattre à vue sans que beaucoup de justifications ne soient exigées. Le mode de vie dans le grand air et avec peu de contact physique permet à une personne mutante de survivre sans se sentir trop différente. Les mutants camouflés et qui auraient abusé de l'accueil des nomades seraient, par contre, traqués et punis. Il leur est également interdit d'occuper des places de chefs ou de se rendre dans des maisons immeubles. Certains caravaniers font exception à condition que les maudits portent un voile intégral et que ni leur peau, ni ce qu'ils touchent entre en contact avec les autres. Certains contaminés du mutagène s'y retrouvent, car l'habit les rend très difficiles à débusquer et les chefs de groupes sont responsables de leur bonne conduite.
Les zones habitées sont souvent rassemblées autour d'oasis et composées de tentes ou de bâtiments carrés en terre cuite, parfois en pierre calcaire provenant d'Hayatasi. Ils sont toujours blancs pour renvoyer la chaleur, mais nombre de locaux décorent leurs façades de motifs colorés épurés ou disposés en liserés pour ne pas surcharger la structure. Quant à la ville capitale, Tuulu, elle est à la fois immense, dense et riche en diversité, qu'il s'agisse de denrées ou d'ethnies des populations. C'est un bon endroit pour y apprendre des langues mineures.
Dahikar étant le fleuron des marchands, il n'est pas indécent de tenter de négocier tout ce qui vous fait envie, y compris qui n'est pas à vendre. Les autochtones auront déjà fait de même avec vos biens. Inutile de dire que c'est le paradis de receleurs et de quiconque adore chiner tout et n'importe quoi. Mais laissons Tuulu pour l'instant et concentrons-nous sur les divers déserts de la région. En raison du commerce intensif entre San Antonia et Dahikar, surtout depuis la création de la zone tampon de Jamalila, nous allons débuter la visite par la zone Ouest.
HayatasiHayatasi est une bande de désert pris en étau entre la Faille de San Antonia à l'Ouest et l'Apotropée à l'Est. Même s'il s'agit d'une des plus petites régions de Dahikar, sa taille reste considérable et la région est très prisée des touristes. Le climat y est chaud mais assez humide pour offrir à la garrigue son lot de végétation. Hayatasi est très vallonné et idéal pour les randonnées. On y trouve encore des créatures sauvages en provenance de la Faille ou des régions sauvages du Sud, mais la vie y demeure relativement tranquille.
Si la plupart des fruits et plantes exotiques viennent des îles, on cultive dans la région beaucoup d'aromates et fleurs appréciés en parfumerie, comme le thym, le romarin ou la lavande. C'est également ici que la plupart des olviiers poussent et permettent la production d'huile d'olive très prisée des victoriens. En cas de balade par la voie des airs, vous découvririez également de nombreuses carrières plus ou moins ouvertes au public. Le calcaire abonde dans les sols et sert à énormément de constructions locales ou à l'export.
Les habitations typiques sont hautes d'un ou deux étages et possèdent toutes une cave. Les fondations sont en gros blocs de pierre irréguliers ou organisés en briques, qui couvrent tout le rez-de-chaussée et possèdent des fenêtres étroites pour conserver la fraîcheur. Le second étage est fait de bois couvert de plâtre issu de la poussière calcaire. Les fenêtres y sont plus larges et équipées de volets en bois. Certains comparent ces bâtisses aux haciendas de San Antonia, mais il ne faut pas les confondre. Les maisons d'Hayatasi n'emploient pas de stuc et n'ont, au final, que les toits en tuiles rouges bombées pour point commun. Elles sont espacées les unes des autres pour accueillir le soleil sur toutes les façades et permettre de petites cultures à chaque ceinture. Les intérieurs en bois et la luminosité ambiante en font des hôtels et maisons d'hôtes très prisés. Les artisans en font également des ateliers idéaux pour travailler sans s'user les yeux avec des lanternes tout en évitant de cuire au soleil.
La population est composée de dahikari, mais également d'éigonians. La criminalité y est assez faible et les dresseurs sont étroitement surveillés. Personne ne désire offrir aux rebelles costarojans ou pirates des îles des montures à haute dangerosité. Il s'opère toutefois quelques trafics d'animaux interdits et du braconnage. Il arrive également que certaines maisons cultivent des aromates aux effets préoccupants sur les consommateurs. Les herboristes affirment toutefois que ces cultures sont très utiles en pharmacologie, ce que soutiennent également les médecins et industries pharmaceutiques. Quelques bandes de brigands traversent parfois la région, mais ils préfèrent de loin échapper aux chasseurs de primes en chevauchant plein Sud jusqu'à Mundangarra. Les criminels sur place font profil bas ou veillent à corrompre les maisons où ils séjournent pour éviter d'attirer l'attention.
L'organisation y est très proche des fiefs de Vall. Pour peu que chaque propriétaire paye ses taxes, chacun est maître et responsable de ses terres. L'emploi de domestiques est répandu, mais la notion de seigneur ou de noblesse y est quasi absente. Le pouvoir est davantage une question de capacité à jouer de l'influence dans les quelques bâtiments entièrement en pierre qui servent de lieux de rassemblement, pour l'échange de produits ou d'informations, ainsi que les divers loisirs. La danse et la musique sont très prisées. L'art de la décoration est également populaire, par les compositions florales d'intérieur ou la gravure des plafonds de bois.
MundangarraIl n’est pas trop inexact de dire que la Faille de San Antonia sépare la jungle de Costa Roja et le désert de Mundangarra.
Au Nord de la région, sous Hayatasi, la frontière est plus ténue. Les cultures font illusion grâce à l’humidité et l’accès à l’eau des régions voisines, mais déjà le décor a changé. Il y pleut très peu et on cultive principalement des haricots, pois chiches et tubercules, comme l’oca ou le topinambourg. Le peuple du désert de Dahikar fait commerce dans cette partie de Mundangarra, modérément inquiétée par la faune de la jungle et de la Faille. C’est en allant plus au Sud que le véritable visage se dévoile.
La terre est craquelée et parsemée de buissons timides et divers cactus. Quelques pics rocheux et canyons offrent un décor sauvage prisé des histoires d’orpailleurs et de ceux qui les pillent. Car il y a de l’or dans la région, ainsi que quelques minerais précieux. Leur extraction demeure difficile en raison des prédateurs et nombreux trafiquants. Mundangarra est devenu peu à peu une zone de guerre permanente, où des gros de l’industrie, des gangs et des entrepreneurs optimistes viennent exploiter des filons le temps de remplir leurs sacs avant de filer.
En plus des nombreux règlements de compte en ces terres où la loi ne tient qu’à la bonne volonté des locaux, des rendez-vous d’affaires se donnent également. Si vous avez un objet peu discret à revendre à l’abri du CAR ou des diverses autorités provinciales, c’est là que vous trouverez un acquéreur. La voie ferrée y est interrompue, mais il demeure des trains clandestins ou des draisines qui font transiter en circuit court certaines marchandises. Mundangarra garde également les cicatrices de tout ce qui s’est mal déroulé sur son sol ridé. Convois détruits, inventions qui ont explosé, traces de pelotons d’exécution et fosses communes de criminels ou opposants politiques, ce désert ne boit que du sang et ne sue que de l’or chèrement payé.
La capitale de Dahikar a déjà été maintes fois alertée du chaos qui y règne, mais il ne fait pas grand doute sur la théorie qui voudrait que cette décharge à problèmes variés profite aux puissants de la province. Il suffit de considérer le fait que, tant que Mundangarra restera une zone de guerre, les victoriens continueront de préférer un détour vers l’Apotropée. Notre détour à nous va nous ramener vers le Nord, entre Dahikar et Vall.
SatioLe maquis situé entre Vall et le désert se caractérise par ses arbres de petite taille parsemés de chênes, là où l'eau en sous-sol est encore assez abondante pour les nourrir et les incendies trop rares pour les avoir inquiétés. Satio appartiendrait probablement à Vall si le feu ne passait pas son temps à inquiéter la végétation. L'absence de rivière en surface oblige à puiser de quoi arroser les cultures et chaque parcelle de terrain est scrupuleusement défendue par les familles propriétaires ; à tel point que les habitants de la région n'ont pas forcément bonne réputation.
Il faut admettre qu'ils frisent l'illégalité à la moindre occasion. Un exemple typique demeure le trullo, une petite maison endémique. Il s'agit d'une pièce ronde faite de pierres trouvées sur place, avec pour toit une coupole ronde bâtie comme certains igloos, où tout ne tient que par opposition des forces de tout le périmètre. Les trulli servent surtout de pièce pour dormir ou stocker des affaires. Ceux qui les emploient vivent principalement dehors ou emploient des tentes en complément. L'utilité de ces tours miniatures est d'échapper aux impôts sur l'immobilier en transformant sans mal son habitation en un tas de gravats, qui pourra être rebâti sitôt les collecteurs passés. Ce cliché de margoulins a la peau dure et un socle de véracité. Pourtant, tous les habitants de Satio ne sont pas des truands, loin de là. Plusieurs trulli sont même durables et les plus riches propriétaires favorisent les grandes fermes en bois ou en pierre. Les formes varient en fonction de l'influence culturelle des locaux.
On produit à Satio quelques denrées agricoles similaires à l'Hayatasi, comme la lavande ou les aromates, mais on y favorise également l'élevage. Les fromages y sont des produits courants, de même que les charcuteries. Il y a également quelques apiculteurs et producteurs d'agrumes importés des îles. Pour peu que l'eau ne manque pas, Satio permet d'obtenir des produits très difficiles à cultiver ailleurs dans le continent. Cet état de fait en fait une région prisée et surveillée, en particuliers des services de sapeurs qui veillent davantage à tenir à l'écart le feu que les criminels. Chaque propriétaire a droit absolu de vie ou de mort sur quiconque s'aventure sur son terrain et il est courant de voir des mercenaires et vigies éloigner les promeneurs égarés. La criminalité y est donc présente, mais tout ou presque se règle sur place et il est rare que Dahikar soit appelé en renfort pour épauler les locaux. Tant que la région partage ses richesses et ménage la chèvre et le chou avec Vall et San Antonia, tout le monde bénéficie d'une relative tranquillité.
Les coins ouverts au public promettent d'ailleurs des bains de soleil, piscines et hôtellerie de choix avec de bons produits du cru. Si rien n'est gratuit, tout n'est pas onéreux pour autant et il arrive que des gens plus modestes se voient offrir un séjour en remerciement d'un service rendu à des puissants. On se sert aussi de la région pour organiser des banquets et des arrangements à l'amiable entre familles de tous poils et de tous horizons. Cette zone neutre semble, avec Jamalila et Hayatasi, composer un carrefour commercial et politique plus discret qu'à Archan ou Vall et moins radical qu'à San Antonia ou Qulleqipok. De plus, l'endroit est desservi par les trains et plusieurs routes. C'est à la Gare de Satio que vous déciderez si vous descendez vers Hayatasi au Sud, l'Aportopée au Sud-Est ou si vous longez la frontière provinciale vers le Yangchen, à l'Est.
Yangchen Le Yangchen est la partie Nord-Est de Dahikar caractérisée par ses massifs rocheux et ses vents constants. Les tornades de Kingull, en province qulleqipoque, s’échappent périodiquement jusqu’à cette région où elles charrient énormément de poussière, que l’on retrouve jusqu’aux régions voisines pour certaines d’entre elles. Yangchen est une zone tampon où l’habitabilité reste très faible et le décor souvent gâché par la purée de pois mordorée. Les rares moments où les vents se taisent, vous pourrez découvrir des reliefs déroutants, avec un sol brûlant de terre desséchée, piquée de quelques arbres qui ont réussi à s’acclimater tant bien que mal. Les nappes phréatiques sont plutôt rares et seuls les puits permettent de protéger l’eau des débris. Ce problème demeure mineur, car peu de gens vivent ici, à la frontière du grand rien de Ud et des sables rudes, mais toutefois viables de Gaba.
Les quelques autochtones sont des ermites, des gens venus trouver une inspiration artistique ou mystique en ces lieux hostiles. L’avantage est qu’on y trouve peu de prédateurs et que, pour peu que vous ayez des tablettes nutritives ou l’envie de manger des insectes et autres choses grouillant sous la terre, vous pouvez survivre avec une quiétude garantie. Il ne fait aucun doute que des mutants et criminels se sont résolus à habiter les lieux pour échapper à tout, y compris eux-mêmes.
La maison locale ressemble à un gros seau de terre retourné et creusé d’entrées rondes et étroites, pour garder la fraîcheur à l’intérieur et la poussière à l’extérieur. Elles n’ont aucune décoration ni marque de sophistication, mais peuvent être bâties en batterie et reliées de petites murailles en terre battue qui servent d’enclave pour des jardinets ou des élevages de petits animaux peu gourmands. Quand les maisons forment un petit village, il arrive que les façades présentent de temps en temps une lucarne, mais elle est toujours munie de ses volets.
Le Yangchen ne produit pas vraiment de richesse pour Replicare et ce n’est pas son but. Même les brigands ne perdent pas leur temps à attaquer les habitants. Quelques poteries et venins s’exportent parfois, quand les colporteurs font escale pour faire affaire auprès des ermites amadoués ou que ceux-ci ont besoin de vêtements et matériaux de rechange. Cependant, beaucoup favorisent la récupération sauvage, sans violence. Les habitants vivant proche du désert de Ud sont souvent ceux qui en explorent la bordure pour récupérer les pierres de sel et les vendre. Vous pourrez aussi y acquérir des masques de qualité avec de bons filtres à poussière en échange de tablettes. Le troc est la méthode de commerce principale du Yangchen, mais ne pensez pas que les ermites sont naïfs. Ils ont bien plus d'intérêt que vous à ne pas se laisser abuser.
UdQuand le sable se cristallise et éclate sous vos pas, quand le soleil frappe la terre et lui donne l’éclat d’une lampe vive et quand, même aveugle, vous sentez le sel partout vous assécher la bouche et irriter peu à peu les fosses nasales, vous savez que vous êtes à Ud, l’endroit où absolument rien ne vit.
L’endroit est une vaste plaine à perte de vue, tout à l’Est de Dahikar, où rien ne dispute la ligne plate de l’horizon. Il y a bien quelques reliefs timides ou monticules de sel en forme de roche ou de ce qui avait dû être un arbre, mais rien ne freinera votre route, si ce n'est le bon sens, ainsi que les besoins d’eau et de vie. Tout y est blanc avec des reflets alignés sur les tons du ciel. Le vent y est présent, souvent calme. Lorsqu’il se lève, cela reste sans comparaison avec les bourrasques du reste de la province. Vous ne trouverez ni flore, ni faune. Il n’y a pas non plus de lac, pour ce qu’on en sait ; Ud n’ayant été exploré qu’en bordure et promettant, par aéronef, un territoire peut-être aussi vaste que le désert de Gaba.
Il arrive toutefois d’y constater des geysers. Ceux-ci partent de n’importe où et crachent une épaisse vapeur jusqu’à épuisement de l’expiration. Ces phénomènes ont été étudiés et il est possible qu’ils soient responsables du dépôt de sel sur toute la région. Il semble toutefois rassurant de constater que les geysers ne gagnent pas du terrain et se cantonnent à la limite du monde connu.
Outre les scientifiques, quelques commerçants ou superstitieux viennent de temps à autre piocher quelques fragments de roche de sel. Celle-ci a la réputation de chasser les mauvais esprits et de porter chance. Certains pensent même que ce sel est responsable du retrait du Voile de Dahikar, mais aucune expérience officielle n'a appuyé cette théorie. La pierre de sel ne fond pas facilement et peut être travaillée en joaillerie ou devenir une paire de dés que les voyageurs aiment utiliser pour convier la bonne fortune. Certains casinos interdisent d’ailleurs la pierre de sel. Mis à part cette denrée, il n’y a rien là-bas, pas même des criminels en fuite qui auraient beaucoup trop de logistique à traiter, comme leur équipement qui y rouillerait prématurément et l’absence de vivres. Il demeure quelques photographies d’artistes visuels désireux de donner un sens aux formes qu’on peut y observer. Certains clichés ne font pas grand mystère et exposent clairement des restes humains qui ont été cristallisés.
GabaOn prétend que l’Apotropée est le centre de Dahikar, ce qui est loin d’être vrai. Le centre de l’espace connu est déjà le désert de Gaba, la région la plus vaste du continent. Elle s’étend au Sud n’a pour frontière que la jungle du Costa Roja et les blocs de sel de Ud, à des journées de galop entre les deux points. Aucun train ne circule dans cet endroit, pas plus que de piétons ou de motos. Quand bien même quelques transports aériens voguent d’un point prédéterminé à un autre, tout se fait à dos de montures. Cette terre est celle des nomades et bien peu d’étrangers parviennent à s’acclimater à la rigueur de la vie faussement libre, car toujours tributaire des quelques pâturages et points d’eau exploitables par les éleveurs.
Gaba est couvert de sable et doit à lui seul les images d’épinal que se font les victoriens lorsqu’on leur parle de Dahikar. Les dunes présentent des tons dorés à blanchâtres en fonction des endroits et des plantes poussent fébrilement çà et là. Elles composent les seules routes et sont de véritables cartes pour les locaux qui peuvent se repérer grâce aux variantes subtiles des espèces. Les seuls points de repères fixes sont les quelques oasis, terriblement espacées les unes des autres. Connaître les routes est essentiel, car en plus de l’immensité du décor, il y a des endroits où il ne faut surtout pas se rendre.
Plusieurs zones du désert sont interdites de passage. On y parle de créatures enfouies et ce n’est pas faux. Mais en plus des scorpions, serpents et autres fléaux bien plus à l’aise à glisser sur le terrain que vous ou votre monture, il y a des zones empoisonnées, où le simple fait de respirer vous condamne à mort. Les chercheurs traquent encore les gaz ou les agents viraux responsables de ces phénomènes. Tout ce qu’on sait, c’est que la malédiction du désert touche humains comme animaux et les fait pourrir vivants. Leur comportement peut vite dégénérer et il n’y a aucun autre soin connu que l’abattage dès les premiers symptômes.
Je sais que je vous recommande souvent l’usage de guides, mais là, c’est impératif. Engagez-en ou veillez à voyager avec des autochtones qui savent où aller et quel coin éviter. Et si, par malheur, vous êtes perdu ou perdue, que la soif vous gagne et que vous trouvez un point d’eau, assurez-vous que des animaux y vivent aux alentours. Ce sera sans doute la seule fois où voir des moustiques vous rassurera. En cas de manque de vie autour de l’oasis, ne consommez pas l’eau et éloignez-vous. Outre ce danger, Gaba détient son lot de pillards, qui profitent de l’ampleur du terrain pour échapper à la garde. C’est aussi une région prisée des mutants débrouillards et détestée des mécahumains, très peu à l’aise dans cette fournaise, quand bien même les nuits y sont très froides.
Reste le panorama étourdissant et certaines zones si vides et silencieuses que vous pouvez entendre votre propre corps vivre sous votre peau. C’est très désagréable, croyez-moi. Mais l’expérience reste intéressante. Les mysticiens, prêtres et artistes aiment venir en pélerinage à Gaba pour y chercher dans le silence une part d’eux-mêmes, ou une forme d’inspiration. Il y a même des vinyles qui s'enregistrent à Gaba pour profiter de l'absence totale de bruits parasites.
Les nomades que vous payerez pour la traversée vous feront profiter de leurs mets, souvent à base de galettes cuites sur place et de viandes de chèvre ou de fromages aux goûts très prononcés. On peut même trouver du miel dans la région, mais aucun nomade ne trahira son coin à ruches. Le lait caillé est une boisson appréciée là où l’eau manque alors préparez votre estomac si vous venez d’une autre région. Vous pouvez également embarquer auprès de mercenaires habitués au terrain ou de prospecteurs. Les dunes cachent bien des secrets et on trouve à Gaba des vestiges du Victoria qui se vendent à un bon prix. L’endroit reste une zone d’opportunités pour qui mène bien sa barque et un cimetière d'anonymes pour les autres.
ApotropéeApotropée est connue en tant que première terre où les premiers victoriens ont atterri, en l’an 0. C’est un peu ridicule d’y croire, en ce sens que les victoriens ont atterri dans plusieurs futures provinces, et même continents suite au crash du Victoria. Mais on considère symboliquement la zone de crash comme étant en Apotropée, car c’est là que le plus grand nombre de débris ont été retrouvés. C’est aussi là que les premiers groupes armés se sont formés et ont bénéficié des restes d’équipement de nos ancêtres pour riposter efficacement contre les autres êtres vivants des environs. Cette période est aujourd’hui très peu sourcée, faute d’écrits et survivants. Toutefois, il se dit que la région possède encore bien des artefacts de notre peuple et le gouvernement déploie de gros moyens pour mettre la main dessus. Les récupérateurs et technologues aiment fouiller le terrain, tout comme les opportunistes et contrebandiers.
D’un point de vue climatique, la région est très chaude, mais la nuit y est fraîche et quelques lacs, souvent très peu profonds, offrent de quoi boire au bétail des nomades de Gaba. Le sol y est en cailloux ou en sable, mais vous n’y verrez aucune dune. Les reliefs y sont plus doux qu'à Mundangarra et Yangchen. Surtout, de nombreuses routes parsèment la région et permettent de circuler facilement et en relative sécurité. Même les motos osent le parcours, sous peine d’avoir des pneus crevés à cause de pierres mal déblayées. Les cultures demeurent rares, mais les arbres et plantes sauvages permettent aux connaisseurs de trouver ce qu’il leur faut pour survivre. Les autres s’équipent auprès des nombreux caravaniers ou prennent tout simplement le train pour se rendre directement aux abords de Tuulu, la ville principale des lieux et capitale provinciale.
Il est important de noter que le chemin de fer n’atteint pas la zone urbaine de la capitale, mais s’arrête à quelques kilomètres de là, au terminus. Les porteurs et convoyeurs y assurent le transit jour et nuit, si les quelques maisons d’hôte des environs ne parviennent pas à vous convaincre de retarder d’une journée votre arrivée à la capitale. C’est aussi l’endroit rêvé pour trouver un guide. Ceux qui portent l’insigne de Tuulu rendent des comptes aux autorités et seront probablement des agents de renseignement, mais au moins, vous bénéficierez d’une couverture juridique en cas de souci sitôt en ville. Attendez-vous juste à avoir vos bagages fouillés et un dossier sur vous durant votre séjour. Les dahikari traitent les humains comme le bétail, aptes à gambader librement pourvu qu'ils portent une marque et ne s'éloignent pas trop du troupeau.
L’habitat de l'Apotropée est varié et dépend des moyens des propriétaires. La plupart favorisent les tentes ou maisons mobiles. Toutefois, vous pourrez trouver des villages autour des points d’eau avec un style architectural identique aux maisons typiques de la province. Elles sont simplement plus espacées les unes des autres et ont des matériaux plus libres. Vous trouverez toutefois nombre de bâtisses dignes de récupérateurs, en bois ou en plaques de métal. La culture locale veut que tout étranger soit accueilli, alors n’hésitez pas à frapper aux portes en cas d’égarement. Même les casernes et postes de garde ont un abri pour les personnes à secourir. Le CAR a quelques points autour des voies ferrées, mais la plupart des places militaires sont occupées par les forces dahikari. Si vous n’avez pas d’avis de recherche à votre traîne, vous y serez en sécurité. Vous pourrez d'ailleurs trouver pas mal de lettrés, y compris chez les citoyens plus modestes. La culture et l'enseignement sont importants et plutôt bien répandus. Il se dit même que l'habitant d'Apotropée est plus cultivé que celui de New Eigon et de Magmirac. Je ne me prononcerai pas pour Magmirac, mais concernant New Eigon, je suis prête à miser mon sil.
Enfin, si vous désirez commercer avec les nomades sans vous aventurer à Tuulu, vous trouverez votre bonheur, pour peu que vous parcouriez la région durant la saison estivale, quand les troupeaux remontent de Gaba pour s'y abreuver et échapper à la fureur de l'astre solaire. La région est très surveillée, mais les criminels abondent, profitant du débit de population pour tenter un mauvais coup avant de se carapater. Il y a également nombre de criminels qui agissent par nécessité, cette zone laissant peu d'espace à quiconque manque de talent dans un métier légal ou désire plus de droits que la province leur en laisse. Ils sont toutefois souvent des solitaires, les bandes organisées préférant sévir à Gaba ou Mundangarra.
Notre parcours des déserts est terminé. Terminons cette visite par la capitale.