On m’a demandé de vous enregistrer une bande pour parler des régions de Replicare. Je vais d’abord me présenter moi. Je m’appelle Meiko, guide du Secteur 9 et la vôtre sur cette section. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je dois vous rappeler ce qui définit les frontières de nos provinces.
Nous ne traçons pas de trait sur une carte pour délimiter les territoires provinciaux. Nos têtes pensantes ont déterminé que cela ne ferait que renforcer l’animosité entre voisins et que, tôt ou tard, des guerres d’influence allaient nous diviser. Il fallait un élément incontrôlable par notre société pour répartir les terres de façon juste, à défaut d’équitable. Les frontières sont donc déterminées par les biomes, des sortes de climats dominants.
Nous avons le dévasté pour Archan, avec sa pollution, son terrain plat et sa stérilité. Le tempéré pour Vall, avec ses collines, sa verdure et sa grande habitabilité. Le sec pour Dahikar, avec ses déserts de roche et de sable, ses tempêtes et son soleil battant. Le polaire pour Qulleqipok, avec ses étendues neigeuses, ses montagnes et ses lacs gelés. L'insulaire pour Mice, avec ses îles, son humidité et les aléas que le Voile exerce sur elles. Le Voile ne possède pas de définition autre que la corruption. C’est un biome de mort.
San Antonia (province) Le climat de San Antonia est tropical. Si vous venez de Vall, depuis le Nord, vous sentirez que vous approchez sa terre meuble et ce malgré les nombreux travaux opérés pour relier par routes et voie ferrée Magmirac à New Eigon, la capitale de la province.
La cité est bâtie entre la Mer Micéenne à l’Ouest et le Lac Chiltique à l’Est. Je vous détaillerai ce dernier plus tard. Au-delà du lac, la province étend ses terres jusqu’à ce que la chaleur du désert de Dahikar assèche la boue et aridise les sols. La transition entre les deux provinces, Jamalila, offre toutefois nombre d’oasis et zones boisées aux panoramas paradisiaques. C’est également du désert que vous pourrez voir au mieux les terres sudistes de San Antonia, à savoir une étendue à perte de vue de jungle, de brume et de marécages. Si bien que même depuis New Eigon on ne connaît que sommairement la cartographie de cette forêt où seuls quelques hameaux et haciendas, les manoirs locaux de puissants, poussent çà et là au milieu du bayou, avant de laisser place aux territoires des bandits et révolutionnaires costarojans.
Ces criminels ne sont pas la seule source de danger. La jungle de San Antonia comporte nombre de plantes toxiques et monstres porteurs de maladies inconnues auxquels il vaut mieux ne pas avoir affaire. Si vous aimez collectionner les insectes, prévoyez un musée pour y punaiser vos plus redoutables spécimens. On dénombre également la présence de reptiles de tailles inégalées ailleurs, mis à part dans les eaux du Sud de la Mer Micéenne.
New Eigon entreprend une série de déboisements pour conquérir le terrain, mais cela a de nombreux revers. Moins de végétation réduit l’absorption des pluies, détruit des plantes très utiles à la médecine et a tendance à ramener des bêtes en manque de terrain de chasse en zones habitées. Heureusement pour la monde sauvage, la classe dominante de New Eigon s’oppose à la déforestation intensive. On dit que c’est parce qu’elle leur sert de cache à activités douteuses, voire à aider les rebelles costarojans, mais personne n’a pu le prouver. En revanche, un effort est mis pour le survol de la région en vue de sa cartographie et de l’exploration de ses terrains inconnus. La brume rendant le champ de vision relativement restreint, nous ignorons encore la dimension finale de la zone boisée. Cela étant dit, la brume et les dangers de navigation demeurent un problème mineur comparés aux attaques de créatures dont le brouillard est un terrain de chasse. De plus, elles n’ont, elles, aucune difficulté à s’y repérer. Nos chercheurs tentent de comprendre comment les monstruosités naviguent afin de tenter de reproduire leurs astuces par la technologie.
Puisque je suis amenée à vous évoquer encore plusieurs fois les costarojans, laissez-moi vous résumer sommairement la naissance de ce groupe rebelle, ou révolutionnaire selon les points de vue. Je n’entrerai pas dans les détails car mon but est uniquement de vous faire comprendre la différence avec le peuple de San Antonia vu dans sa globalité lors de notre visite. Vous trouverez davantage d’informations dans [
des ouvrages historiques] dédiés au conflit entre les antoni et costarojans.
Costa RojaJe vous ai parlé de la jungle, des marais et de la boue qui composent le sol de San Antonia, mais il ne vous échappera pas, si vous longez la côte, que la pierre y est également présente. Seulement, vous la constaterez roussie par la rouille. Le minerai étant riche en fer et baigné dans l’humidité, la majeure partie des pierres sur lesquelles vous tomberez seront rouges. C’est ce coloris qui a valu à la région son nom de Costa Roja lors de sa découverte par les pionniers. On dit d’ailleurs que ce qui devient par la suite New Eigon était à la base une zone de pierre "miraculeusement" épargnée par la rouille et suffisamment massive pour y faciliter les fondations du monastère originel. Je n’ai légalement pas le droit de vous le nommer. Cependant, je peux vous dire qu’il est ce qu’on appelle aujourd’hui Respendida, le quartier général de l’inquisition sidéraliste. Ce lieu sera davantage détaillé plus tard.
Soit, Costa Roja était le pré-San Antonia actuel et comprenait à l’époque les territoires explorés, à savoir le Lac Chiltique, les fondations de New Eigon et une parcelle de côte. Il y avait également des sols cultivables au Nord du monastère et l’entrée de la forêt, mais aucun document ne délimite précisément ces zones. En revanche, les archives retrouvées dans l'édifice font état de bastions enfoncés dans la jungle et, si les écrits sont fiables, certains campaient au-delà de la frontière connue actuelle. Beaucoup pensent que les costarojans vivent actuellement dans ces anciens fortins et nombre d’éclaireurs sont à leur recherche.
Les costarojans sont donc les pionniers de San Antonia. Lors de la chute d’Eigon, à la première moitié du siècle, les eigoners ont migré sur le continent Est – le nôtre – pour prévenir des dangers du Voile et avoir une nouvelle vie ici. Eigon était une province puissante, étroitement liée à Archan. Sans sa chute, Vall ne serait probablement pas l'enfant chéri d'Archan. Comprenez donc que les rescapés ont été choyés. Des terrains leurs ont été cédés en vue de leur assimilation et tout s’est globalement bien passé partout. Partout, sauf à Costa Roja.
Les eigoners, très liés au pouvoir d’Archan, ont dénoncé un désir grandissant des costarojans à faire sécession. Ces derniers ont toujours nié et accusé les eigoners de trouver des faux prétextes à les coloniser. J’ignore qui a tort. Il est certain que la culture costarojan a toujours été portée sur l’indépendance et la primauté données aux locaux au détriment du bien commun. Les costarojans peuvent encore aujourd’hui prétendre qu’Archan avait un parti pris, mais là j’ai de sérieux doutes, nonobstant mes origines archaniennes.
Une vision neutre du conflit consisterait à dire que tout a reposé sur des dilemmes qui ne pouvaient aboutir à une fin heureuse. Archan Capitale a fait de son mieux pour appeler les camps à s’apaiser, mais la parole d’un externe au terrain en crise n’a pas souvent un impact positif. Les eigoners ont mené des assauts dans les médias, les costarojans dans les rues. Tout le monde a pris les premiers-nés en grippe, qui renforçaient par leur véhémence la violence de leur opposition. Quand leur résistance a été vue par tous comme une rébellion, Costa Roja devait changer de nom.
New Eigon naquit et le territoire en dehors du monastère fut appelé San Antonia, nom alors réservé à la zone fertile du désert de Dahikar, qui accepta de redélimiter ses frontières. Les eigoners, eux, acceptèrent de se fondre dans cette nouvelle province en se faisant désormais appeler eigonians et eigonianes. Une partie des costarojans accepta également la conversion. Ceux qui ont gardé leur nom d’origine sont aujourd’hui la part des rebelles farouchement opposés à la création de San Antonia et, pire que tout, New Eigon , dont le nom leur apparaît terriblement provocateur. Voilà ce qu’est, ou était, Costa Roja.
Aujourd’hui, il en reste surtout les pierres rouillées le long de la côte de des plages de sable rosé ou rougi là où la forêt et la boue ne prédominent pas. C’est désormais l’inquisition qui sert de médiateur entre les deux camps et occupe l'ancien monastère. Elle est efficace, mais implacable et certains eigonians ironisent sur le fait que le vainqueur final de la guerre aura été Archan. À la décharge de ces rumeurs, il faut admettre que l’esprit sécessionniste de la province du Sud est désormais sous bonne garde.
Lac ChiltiqueNew Eigon a pour particularité notable de posséder un barrage : le barrage Sorgel. Cette infrastructure ne bloque pas les eaux du lac avant qu’elles ne rejoignent la mer, mais bien la mer elle-même pour faire s‘écouler ce qui compose les eaux du lac. En passant par un traitement redoutable d’efficacité, l’eau rejetée dans le lac est douce et si propre qu’on peut l’utiliser pour ses ablutions ou consommer les poissons qui vivent dedans. Ce processus de désalinisation a transformé, au fil des ans, une ancienne poche d’eau boueuse en un immense lac cristallin aux abords de la ville et toujours à peu près correct tout le long de son bassin principal en forme de sourire. Il s’étend jusqu’aux zones plus chaudes de Jamalila, le territoire de l’Est. Il (le lac) part également, sous forme de poches annexes et des plus petits cours d’eaux, vers la jungle du Sud où ce qu’on appelle le bayou continue à approvisionner les quelques eigonians excentrés et les alligators friands des cadavres et poissons égarés venus s’aventurer trop loin du grand bleu.
Tout le long de sa bordure, le Lac Chiltique est foyer de nombreux petits ports de pêcheurs, mais surtout du Chiltic Port, rattaché à New Eigon et où de nombreux navires sont fabriqués. Je dis bien navires et non bateaux car il existe un système d’écluse jumelé au barrage Sorgel pour permettre à tout bâtiment maritime en contrebas de remonter jusqu’au niveau de la mer pour y prendre le large. De plus, l’import de navires est possible mais sous réservation et contrôle militaire uniquement. L’opération est longue et les autorités de New Eigon très vigilantes sur cette portion d’eau faisant frontière avec la forêt où les criminels séjournent. Le fait de focaliser sur l’export évite aussi une concurrence déloyale pour les exploitants locaux du lac et leur garantit une relative tranquillité pour travailler aux chantiers. Personne ne semble s’en plaindre et certainement pas la faune aquatique.
Car si les eaux troubles de la forêt promettent mille mauvaises rencontres, le Lac Chiltique est conquis et filtré. Les poissons comestibles y pullulent et il demeure rare de trouver un serpent géant ou un aligator venu se risquer à la vigilance des pisciculteurs. On trouve également des tortues et batraciens de toutes peaux, dangereux mais facilement esquivables pour qui n’a pas la sottise de les embêter. Les gobeurs de moustiques sont appréciés car ces indésirables semblent, eux, présents où que vous soyez. Cela étant dit, la baignade est possible et il est rare que le lac soit trop froid pour être pratiqué par petits et grands. Il est toutefois déconseillé de s’y risquer trop loin de la ville, les rapts et attaques d’animaux sauvages restant possibles en dehors de la vigilance de New Eigon. Pour les amoureux de la nature, se balader en barque offre bien des motifs à se réjouir aux aurores et crépuscules, lorsque les animaux viennent s’abreuver le long de la berge.
Je suis tenue d’insister sur le fait que l’eau du lac est propre, mais non-potable. Si vous vous risquez à vous y désaltérer sans l’avoir faite bouillir, vous risquez des parasites intestinaux ou de forts désagréments par où votre organisme jugera bon d’évacuer ce qui lui cause du mal. Par contre, vous laver ou laver votre linge sont sans risque.
JamalilaIl s’agit ni plus ni moins de la parcelle de terrain cédée à San Antonia par Dahikar lorsque Costa Roja fut convertie. Le peuple dahikari n’a ni rancunes, ni revendications concernant cette région. On constate simplement qu’ils continuent à y faire boire leur bétail et à s’y installer pour commercer avec les antoni. La cohabitation se déroule sans heurt et il devient difficile de savoir d’un bivouac à l’autre qui sont du désert et qui viennent de la jungle. Jamalila est, de fait, devenue une route commerciale appréciée car on y trouve de l’eau et assez de citoyens pour y assurer la sécurité. C’est également un poste d’échanges d’informations entre les deux provinces et un endroit où même un costarojan peut se balader en relative quiétude.
Le fait est que peu d’inquisiteurs ou militaires eigonians visitent la zone qui a conservé, comme d’un commun accord, un aspect apolitique et apatride. Les shérifs, administrateurs assermentés chargés de faire respecter la loi eigoniane, remplissent leur cahier des charges provenant de la capitale tout en veillant à ficher une paix royale aux habitants de leurs villages. Les exceptions existent mais il semblerait que personne à New Eigon ne désire perdre son temps et son crédit politique à fourrer son nez dans une zone qui demande très peu de maintenance pour permettre aux marchands d’enrichir New Eigon. En contrepartie, il est rare qu’une demande d’aide d’une bourgade de Jamalila reçoive avec entrain l’aide de la ville. Il faut en général insister ou convaincre des risques pour la stabilité de la région pour que New Eigon daigne dépêcher les denrées ou la main d’œuvre quémandées. Si bien que les shérifs vont davantage compter sur les groupes de mercenaires qui ont flairé le filon ou les gros éleveurs pour régler la plupart des litiges de la région.
Vous reconnaîtrez aisément les bourgades de l’Est lointain. Quand elles ne sont pas un ensemble de tipis, elles se présentent le plus souvent sous la forme d’une rue principale côtelée de maisons en bois à un ou deux étages. Certaines sont même faites de bungalows, sorte de maisons d’un étage et demi avec un toit à peine pentu, faciles à fabriquer avec le bois environnant. Il n’est pourtant pas rare que le bois des constructions de Jamalila proviennent des quatre coins de Replicare selon la bourse des fabricants. Certains s’offrent même le luxe du stuc pour donner un effet pierre, comme les maisons des riches propriétaires de la ville. Il n’est pas rare de trouver ici des résidences secondaires d’eigonians, désireux de passer leurs vacances loin de l’humidité ou pour simplement profiter du sable blanc de la région.
En outre, les saloons y sont réputés pour leurs spectacles, leurs alcools et leurs joueurs professionnels. Tous les jeux de cartes s'y pratiquent et nombre de vacanciers sont repartis à dos d'âne après avoir perdu leur chemise. Jamalila offre également d’imposants monceaux de roche brune et de canyons. Evidemment, aucun d'entre eux ne peut se prétendre profond en comparaison de ce trou sans fond qu'on appelle La Faille.
La FailleAussi appelée Chute de Remius en hommage au découvreur de l’endroit, La Faille est une plaie béante dans la terre meuble de San Antonia au Sud-Est de la province explorée et donc au Sud de Jamalila. La roche qui compose le pourtour de la fosse est un mélange de boue, de roche digérée et de sucs des créatures qui nichent dedans. La matière ressemble à du goudron séché grisâtre ou maronasse et suffit, par sa seule apparence, à faire rebrousser chemin à n’importe quel être sain d’esprit. Si vous alliez jusqu’au bord de La Faille, vous verriez que son dénivelé s’évanouit dans l’obscurité. Si vous y lanciez une torche, elle tomberait jusqu’à ce qu’elle percute une paroi porteuse, vous faisant comprendre que le trou n’est pas droit mais forme de légers slaloms tout le long de sa vertigineuse descente.
Les quelques explorateurs qui se risquent à cartographier l’antre font mention d’alcôves qui servent de nid à des bêtes volantes de formes diverses. Les ailes de chauve-souris semblent récurrentes dans ces endroit où les monstres doivent pouvoir voler et s’accrocher aux murs. On rapporte également la présence de galeries artificiellement creusées aux odeurs nauséabondes et émanations mortelles pour les bronches humaines. Quant à l’exploration pure de La Faille par le bas, elle n’a jamais abouti. La ruche n’aime pas être dérangée et semble savoir que couper un câble condamne le sot qui a voulu s’enfoncer un peu trop loin dans les entrailles de la gorge. Les autorités ne désirent pas habituer la faune locale au plaisir de la chair humaine, aussi aucune expédition officielle n’y est autorisée.
La contrebande existe toutefois. Bien sûr, un trou sans fond est un endroit parfait pour jeter ce qu’on ne veut jamais voir remonter. L’expédition n’est pas monnaie courante pour autant, l’endroit étant loin des zones habitées, impraticable par voie aérienne à cause des volatiles et même très dangereux par le sol pour la même raison. Les seuls qui peuvent à peu près s’aventurer là sans risque sont les dresseurs, majoritairement dahikari, dont certaines tribus ont pour rite de faire une offrande à La Faille ou, pour certains, de dompter une des créatures ailées. Si vous vous demandiez pourquoi il y a des étables au Secteur 19 d’Archan Capitale, voilà la réponse.
Les montures ailées sont, pour la plupart, issues de l’élevage, mais seules celles capturées dans La Faille permettent aux cavaliers de retourner voler dans la zone sans se faire harceler par la nuée volante. Cet atout ne leur offre pas pour autant l’opportunité de descendre, du moins pas au-delà de quelques mètres à l’intérieur de la plaie. Les initiés servent souvent de secouristes ou rabatteurs pour les éventuels égarés. Il serait peu probable que seuls les dahikari aient appris à monter ces monstres. La région étant quasi en terrain hostile, impossible de savoir combien de costarojans ont appris à dompter la faune. Tout ce dont on peut être sûrs, c’est que la ruche n’obéit pas à une volonté humaine mais à quelque chose qui échappe à notre savoir. Les montures ailées étudiées n’ayant aucune trace de corruption du Voile, la théorie d’une abomination n’a pour l’instant aucun mobile suffisant à en interdire l’exploitation. Les modèles d’élevage ne sont par pour autant monnaie courante. Les spécimens en vente sont très onéreux et il faut un permis spécial pour devenir acquéreur.
Vous pourrez entendre de nombreux mythes concernant La Faille. On l’entendrait murmurer, rugir ou on la constaterait à une place différente d’une décennie à l’autre, comme si elle était vivante. Les exologues et archivistes affirment que tout est faux. Les histoires folkloriques semblent plus difficiles à dompter que les monstruosités de ce monde. Ceux qui devraient véritablement bouger, par contre, c'est nous. Il est temps d'entrer à New Eigon et d'en découvrir les quartiers.
New Eigon ( capitale de San Antonia )Cette ville est fascinante de par ses paradoxes. Elle est à la fois un tragique théâtre de guerre civile et un carrefour commercial majeur du continent, une ville en partie en ruines et un berceau de développements technologiques.
Pour dépeindre grossièrement l’allure générale de la ville, nous dirons que c’est coloré. L’argile abondant dans la région, ainsi que le bois, ont permis de bâtir la plupart des habitations. Des toits en chaume chapeautent les plus modestes tandis que les tuiles rouges bombées, pour conserver la fraîcheur, garnissent les plus aisées. Les murs des bâtiments sont naturels pour tout ce qui concerne l’administration et les services publiques. Tous les autres sont peints et arborent des armoiries ou décorations sur les volets. Si l’effet est très joli et un véritable charme pour l’œil du touriste, il s’agit en vérité des signes d’influence de la classe dominante.
Avec la guerre entre costarojans et eigonians, le chaos s’est installé. Comme dans tout conflit, un groupe plus débrouillard que les autres a tiré les marrons du feu et gagné en influence. Cette mafia a tantôt rendu services aux petites gens pour gagner leur respect, tantôt opéré des règlements de compte dans les rues pour neutraliser la concurrence. Au final, des traités et fusions de camps jugés respectables par les gens du milieu ont donné une forme faussement propre des nouveaux seigneurs de New Eigon. Il se sont faits appelés Doms, pour dominants.
Chacun de ces roitelets porte le titre de Dom avant son nom et possède sa belle maison dans les quartiers protégées, son blason et sa couleur. Les Doms se font toujours la guerre mais de façon bien plus indirecte et civilisée. Ils se protègent les uns les autres de toute menace extérieur tout en tentant de convertir les maisons des civils en contrebas à leur blason. Même si personne n’est dupe, tout le monde fait comme si leur pouvoir était légitime. Après tout, chaque province a dû s’arranger d’une façon ou d’une autre pour s’organiser et le fait est que les Doms réduisent grandement le taux de criminalité, collaborent avec l’armée et veillent à protéger les marchands de tous horizons pour conserver à New Eigon une place stratégique du commerce. Le fait que la ville soit loin d’Archan et moins proprette idéologiquement que Magmirac en fait la plaque tournante de la contrebande victorienne.
Je suppose que les autorités préfèrent savoir où est le trafic plutôt qu’inutilement lutter contre. Toujours est-il que la capitale est plus ou moins sûre selon les quartiers tant que vous ne fâchez aucune des puissances en place. Que ce soit l’inquisition, les rebelles ou les Doms, votre vie ne vaudra pas bien cher dans cet endroit à si belle allure.
Toutefois, il est faux de dire que la capitale est une zone de chaos. Vous risquez bien plus de vols à la tire ou d’arnaques diverses qu’à Magmirac, mais le climat de guerre a au moins l’avantage de maintenir votre éveil et votre prudence. De plus, la population locale apprécie globalement la compagnie les étrangers, en particulier ceux qui ne veulent pas s’installer. Ils sont pour eux une fenêtre sur le monde et un moyen de transmettre des messages aux autres provinces qui ont tendance à les résumer à des terroristes ou des gens plus miséreux qu’ailleurs. Certes, l’écart de richesse entre les riches et les pauvres est grande, mais le peuple eigonian est très doué pour l’entraide, la débrouille et le recyclage. Le tout est d’éviter de suivre un habitant qui voudrait vous emmener hors des zones sécurisées. Certains ont compris l’utilité de paraître trop faibles et « authentiques » pour être des rabatteurs.
Sinon, vous remarquerez un goût général pour l’ostentatoire. Beaucoup de peintures à motifs chargés ornent les murailles de New Eigon. Les bâtiments en pierre ont des arches décorées, des pinacles exubérants de motifs davantage riches qu’harmonieux. Les gravures de fleurs, blasons et autres symboles locaux inondent les murs et les colonnes. Ce qui n’est pas sculpté est peint et vous trouverez de nombreux tableaux au format démesuré et fresques murales là où la guerre civile se fait plus rare ou clémente. Et même là où elle officie, l’art s’émancipe. Les graffitis et artistes de rue expriment des messages politiques, une sensibilité à quelque chose ou s’amusent simplement à recouvrir les tableaux des autres avec les leurs. Les dessins contiennent des indications cachées. Ce sont comme des messages que seuls les membres du gang auteur peuvent comprendre. De quoi allier l’utile à l’agréable...
La musique est également omniprésente. On joue dans les temples pour communier avec les fidèles, dans les rues marchandes pour égayer les terrasses de cafés en échange de quelques sils et près des dispensaires pour étouffer les gémissements des mourants. C’est comme je vous le disais ; la ville des paradoxes.
Pour débuter la visite des quartiers, nous allons à l’Ouest de la ville, au port. C’est par là que la plupart des gens découvrent la capitale et souvent aussi par là qu’ils en repartent. Prochaine escale : Triliers Harbor.